La France est malade de son passé. Depuis 1944, le souvenir de l'Occupation n'en finit pas d'agiter la mémoire "collective". Soixante-dix ans après la fin de cette guerre civile, Vichy est encore d'actualité, dans la presse, dans le débat politique, au cinéma ou dans la littérature, dans les prétoires d'une justice constamment sollicitée. Le Syndrome de Vichy n'est pas un livre de plus sur cette époque trouble, mais l'histoire de sa difficulté résorption ou de sa survivance, celle des mythes constitutifs, du pétainisme au résistantialisme, qui ont tenté de reconstruire et travestir une réalité plus complexe que les images d'Epinal, tout en perpétuant des clivages ancestraux. L'auteur s'interroge sur la transmission comme sur la réception des représentations mouvantes et contradictoires de quatre années que certains auraient souhaité rayer de notre histoire.
Ce livre d'Henry Rousso constitue une étape décisive dans l'affirmation d'une histoire de la mémoire. Revisitant une zone d'ombre de l'histoire nationale, son livre s'ouvre lorsque Vichy n'est plus un régime politique en exercice, et se veut une histoire des métamorphoses de la mémoire collective de Vichy dans la conscience nationale de 1944 à nos jours. En défaisant les mythes du pétainisme, masquant la réalité des années de l'Occupation, l'historien montre qu'au travail de deuil de 1944-1954 suit le temps du refoulement, puis celui du retour du refoulé en 1971, avant la transformation de la névrose traumatique en phase obsessionnelle après 1974. Traumatismes, blessures, cicatrices, autant de mots renvoyant à un niveau pathologique de la mémoire nationale, celle d'une France malade d'un "passé qui ne veut pas passer". Appliquées à la mémoire collective, les catégories psychanalytiques font ici, pour la première fois, bon ménage avec un travail d'historien. --Hervé Mazurel